Berenice Lurton The owner of Chateau Climens, the chairman of Sauternes and Barsac council.

A Sauternes et Barsac, nous ramassons du raisin « pourri » ! Ne vous méprenez pas, cela n’est pas une pourriture quelconque, mais une « pourriture noble » : quel étrange paradoxe, n ‘est-ce pas ?

D’autant plus que cette pourriture noble est due à l’action d’un champignon microscopique appelé Botrytis cinerea, qui est craint et combattu comme la peste par les autres vignerons ! Mais il est le miracle du sauternais, dont le micro-climat permet à cette maladie de devenir une bénédiction, de produire des vins uniques dont les saveurs et la texture sont sublimées par son action. Mais arriver à cette concentration, cette pureté de saveurs exceptionnelles, est chaque année un tour de force, car ils dépendent aussi bien des caprices du climat que d’un travail d’orfèvre : l’un ne vaut rien sans l’autre !

En effet, notre cher botrytis n’acquière sa noblesse que dans des conditions climatiques extrêmement spécifiques : né de la brume et du soleil, il a besoin pour se développer de brouillards matinaux, typiques de notre région, et du soleil de l’après-midi, de préférence accompagné de vent. Seule cette alternance d’humidité légère et de sécheresse permet au champignon de concentrer le raisin : après s’être répandu sur les baies à la faveur de la brume, il a ensuite besoin, sous le soleil, de chercher l’humidité à l’intérieur du fruit. Et comme pour cela il entame la pellicule du raisin, cela favorise l’évaporation de l’eau (sous l’action du soleil et du vent) contenue dans celui-ci.

Il faut donc des conditions climatiques parfaites, et sur une longue période, car le botrytis ne se répand jamais de façon régulière et continue... Or, nous avons certes un micro-climat qui favorise le brouillard, mais n’oublions pas que, dans la région de Bordeaux, le climat est purement océanique, donc soumis à des variations permanentes et à des pluies irrégulières mais fréquentes... Le problème, c’est que notre amie la pourriture noble se transforme très rapidement en affreuse pourriture grise et vulgaire si elle reçoit trop de pluie : le raisin atteint se gorge d’eau, la moisissure se développe et donne des goûts épouvantables !

Nous sommes donc totalement à la merci du climat, toujours un œil sur le ciel, à trembler au moindre nuage gris.Nos vendanges sont une épreuve bien particulière : nous ne savons jamais quand elles vont commencer, encore moins finir, ni s’arrêter et reprendre ! Il faut donc non seulement que les conditions de développement du botrytis soient réunis, mais il faut aussi qu’il arrive à se concentrer suffisamment pour être ramassé... En résumé, il ne faut pas qu’il fasse trop froid, ni trop chaud, ni trop sec, ni trop humide !

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